Il était une fois… Arielle, la petite sirène, qui revenait tout juste d’un long périple dans les Caraïbes. Elle se vit confier une bien étrange mission par son père Poséïdon. Un capitaine de renom venait de disparaître et nul ne savait où il pouvait être. On sait juste qu’il avait eu, un jour, maille à partir avec une pieuvre géante mais la légende dit qu’un de ses matelots avait finalement terrassé le céphalopode.
Bien sûr, trop jeune et trop insouciante, elle n’avait encore jamais entendu parler de ce capitaine d’un autre temps, qui répondait au doux nom de Némo. Elle reprit donc la route avec sa toute nouvelle chevelure bleu azur (et oui : les temps changent!), direction les eaux du Nord, dernier endroit où avait été aperçu le Nautilus, le insubmersible de Némo qu’il ne quittait presque jamais.
Elle nagea longtemps entre les côtes d’Islande, d’Irlande et d’Angleterre, contournant même l’île anglo-saxonne par l’Ecosse et flirtant avec le littoral norvégien. Beaucoup d’algues, quelques cétacés et deux ou trois bouteilles de coca, mais pas l’ombre du capitaine. Pourtant, c’est bien là qu’il devrait être, à moins que la mer l’ai définitivement avalé… Pourquoi pas ? C’est déjà arrivé à tant de marins et pas des moindres ! Cependant, elle n’abandonna pas, persuadée qu’elle allait le retrouver sain et sauf. Elle le sentait, puis elle ne voulait surtout pas décevoir son père.
Après des semaines de recherches incessantes, elle prit la décision de descendre vers des lieux un peu plus cléments pour s’y reposer. Franchement, la région la plus propice à la détente, c’est la nôtre. Elle jeta donc son dévolu sur une petite bourgade du nord de la France, Halluin où une foule de citadins festoyait dans les rues.
Ils admiraient un cortège d’aventuriers de toutes sortes, venus des quatre coins du globe, et défilant bruyamment. Amusée par ce spectacle si étranger à son univers aquatique, elle posa ses écailles sur un large rocher verdâtre bien placé au coeur du dispositif, elle n’allait rien rater de la fête, pensait-elle. Et comment ! Dès le départ du cortège, son rocher trembla et se mit à avancer ! Qu’était-ce donc que ce sortilège ? …En définitive, son rocher n’était autre qu’une Jeep Willys de la Seconde Guerre Mondiale. Et oui : comment aurait-elle pu le deviner ? Nous sommes loin de son milieu marin, là ; les voitures : elle connaît pas ! Elle s’accrocha donc comme elle put sur sa stèle mouvante, observant tout autour d’elle, effrayée par le bruit et les odeurs qui se dégageait de son caillou…
Alors qu’elle scrutait les alentours, elle aperçut avec stupeur le nez menaçant d’un submersible juste derrière et se rapprochant dangereusement. Et si c’était le fameux Nautilus ? Dans ce cas, le capitaine Némo ne doit pas se trouver très loin ! Ouvrons l’oeil, pensa t-elle !
Effectivement, dans une large barque juste devant elle, le capitaine Némo paradait le plus fièrement du monde, aux côtés de trois magnifiques sirènes aux longues jambes humaines… Auraient-elles aussi subi le sort d’Arielle qui, jadis, perdit ses écailles et sa queue contre une paire de jambes ? Heureusement, pour Arielle, cela ne dura qu’un temps !
Furieuse de voir ce belâtre s’amuser ainsi alors que son père à elle était mort d’inquiétude de ne plus avoir de nouvelles, elle le poursuivit jusqu’à la nuit et fit tomber une pluie dense de petits cristaux de glace blancs et salés sur son véhicule. Une fois l’intrigant capturé, elle le ramena à son père. Celui-ci, peu rancunier et, ma foi, tiraillé par la faim qui commençait à se faire sentir, il organisa un banquet pour fêter le retour victorieux de sa fille chérie. Le capitaine ne fût pas trop châtié : il n’écopa que d’une mise à pieds temporaire et dut accepter d’épouser la petite sirène qui, depuis des lustres déjà ne rêvait que d’un mari humain…
Bref, nous accompagnâmes Arielle dans son périple, nous les marins du navire ARH, disposant pour un instant seulement du pouvoir de contrôler ces cristaux de glace et les utiliser contre les halluinois et fûmes invités au banquet par Poseïdon, en remerciement d’avoir veillé sur son enfant. Et une fois de plus, un verre dans une main et une pizza dans l’autre, nous nous dîmes combien la vie est belle au sein de l’ARH…
Jean-Christophe G